16 Mai 2021
Mathieu-Colleyn
Bruxelles Un journaliste ose parler de "vote musulman"
et de la guerre sourde que se livrent PS, Ecolo et PTB pour être les premiers à défendre le voile.
Sans le vote musulman, "il est manifestement devenu impossible de s'imposer à Bruxelles".
Sur la gauche et la question du voile.
En 2019 à Bruxelles, Ecolo n'a pas gagné les élections que sur le thème du climat. La campagne lui avait aussi permis de marquer des points dans certains débats touchant à la pratique de l'islam. Est restée célèbre, l'histoire du tract produit par les verts de Saint-Josse (avant d'être retiré) et reprenant les positions des partis quant à certaines traditions musulmanes. Ecolo avait ainsi fait la publicité de sa bienveillante tolérance à l'égard du port du voile islamique, que ce soit aux guichets des administrations ou à l'école, ou encore vis-à-vis de l'abattage rituel sans étourdissement préalable. Racolage communautariste? La polémique exploitée alors par le MR pour endiguer la progression des verts révélait en effet la guerre sourde - car peu assumée - que se livraient PS, Ecolo et PTB pour attirer à eux le vote des musulmans. Sans lui, il est manifestement devenu impossible de s'imposer à Bruxelles.
En deux ans, les temps semblent avoir suffisamment changé pour que cette concurrence effrénée s'étale au grand jour. Preuve avec ce débat organisé mercredi par BX1, la télé régionale bruxelloise, autour d'un récent jugement du tribunal du travail. Statuant en première instance suite à la plainte d'une femme estimant ne pas avoir été engagée par la Stib en raison de son voile, celui-ci étrille la politique de neutralité de l'entreprise publique et la condamne lourdement pour discrimination. Il a visiblement un effet libérateur.
"Je suis pour le voile", a ainsi admis en plateau Ridouane Chahid, chef de groupe PS au Parlement bruxellois, avant de défendre une neutralité de service s'en accommodant. Convergence avec John Pitseys, chef de groupe Ecolo, expliquant qu'à ses yeux, le voile islamique se distinguait de tout autre signe convictionnel en ceci qu'il était davantage constitutif de l'identité de celle qui le portait. Via Zoom, Françoise De Smedt (PTB) comparait le service public à celui d'une pharmacie de quartier où la bonne délivrance d'un médicament ne souffrirait pas du voilement de la pharmacienne.
Ce festival de surenchères où s'expriment des lignes qui ne font pas forcément consensus au sein des partis concernés a été inauguré par Rajae Maouane quelques jours avant la polémique entourant son post Instagram sur la situation actuelle à Jérusalem. Dans une interview au Soir truffée de maladresses à l'égard de ses partenaires de coalition, la coprésidente d'Ecolo ferme la porte à un appel de la Stib et décrète que le jugement en question doit "faire jurisprudence" pour conduire la Région à revoir sa politique de neutralité et ouvrir au voile les postes qui ne sont pas d'autorité. Cachant mal la jalousie des verts à l'égard de l'initiative socialiste des assises contre le racisme, le propos ringardise l'événement piloté par le président du Parlement bruxellois Rachid Madrane. Et foule au pied l'héritage anti-raciste d'un Philippe Moureaux qui fut le premier à s'intéresser à ces populations discriminées, peste le PS.
Démarrées sur fond de malaise chez certains représentants de la communauté juive estimant que le problème de l'antisémitisme y était insuffisamment visibilisé, ces assises - si elles ne se transforment pas en arènes - pourraient servir à clarifier les positions du PS et d'Ecolo, voire mettre fin au double langage qui percole à chaque campagne électorale sur ces sujets. À cette occasion, la gauche pourrait aussi s'entendre sur un rêve apparemment largement partagé: entailler la neutralité des services publics bruxellois.