LUGOWSKI Dominique

Ce n'est pas de se rendre mollement sans contester.

La réponse est de se dresser et d'y faire face avec audace.

Regardez-la, analysez-la et, enfin, agissez.

Eleanor Roosevelt, "Tomorrow Is Now", 
Harper & Row - Penguin, NY, USA, 1963, p. 77. 
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 Lettre à l'attention de

Monsieur Charles Michel,

Président de Conseil européen

Copie à Madame Ursula von der Leyen,

Présidente de la Commission européenne

Namur, le 8 avril 2021.

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Monsieur le Président du Conseil européen, Monsieur Michel, 

Capture d’écran d’une vidéo montrant Charles Michel, Recep Tayyip Erdogan (à droite), et Ursula von der Leyen (debout), à Ankara, le 6 avril. - / AFP

Lors de votre rencontre avec le Président turc, M. Recep Tayyip Erdoğan, à Ankara ce 6 avril, vous avez commis plusieurs erreurs graves que des excuses pitoyables ne pourront effacer. Il faut aller de l'avant pour les résoudre et construire leur solution. 

Nous listons trois de ces erreurs ci-dessous, brièvement ébauchées :

1. Erreur à l'encontre de la diplomatie

Vous n'étiez pas seul pour cette visite à Ankara, vous étiez en duo à égalité de niveau diplomatique avec Mme Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne.

Le dictateur vous a tendu un piège à tous deux en ne plaçant qu'un seul siège à côté du sien pour la rencontre officielle. Et vous, M. Michel, vous êtes précipité sur ce siège, presque couché tant vous vouliez l'occuper. Face au désarroi de Mme von der Leyen, vous n'avez pas bronché, vous vouliez être assis à la droite de M. Erdoğan. Vous auriez pu, à ce moment, vous relever et soit inviter la Présidente à s'asseoir elle-même, soit rester debout et solliciter un deuxième siège. Vous êtes resté béat.

Mme von der Leyen a marqué sa désapprobation, elle aurait pu rester elle-même debout ou quitter la pièce mais elle a préféré ne pas augmenter l'incident en prenant place sur le divan, toutefois très en colère. 

Le dictateur, quant à lui, observait votre jeu et marquait ses points. Vous lui avez offert ce plaisir malsain en tombant si lourdement dans son piège.

Beaucoup de personnes soulignent cet élément en l'associant à la "galanterie". La bonne éducation vous a échappé, certes. Quant aux amalgames avec la "galanterie", ils n'ont pas leur place dans cet incident. Vous avez été grossier avec une égale, vous l'auriez été de même avec un homme ou une femme. L'ancienne ministre fédérale de la Défense de l'Allemagne est elle-même avertie à ce sujet et privilégie toujours l'intelligence et la politesse dans ses actions.

2. Erreur à l'encontre de l'Union européenne

Votre attitude irréfléchie porte préjudice à l'ensemble des citoyennes et des citoyens de l'Union européennes face au président de la Turquie, offrant au dictateur une image de conflit interne, de faiblesse d'intelligence et de réaction de la part du président de son Conseil alors que la question de l'entrée de la Turquie dans l'Europe constitue un débat sérieux et non résolu.

Pathétique ! Plutôt que de reconnaître votre faute et votre responsabilité dans le piège tendu par M. Erdoğan à l’Union européenne et au mépris affiché des femmes, vous vous plaignez des attaques injustes et tentez de rassurer sur vos valeurs d’égalité. Ce faisant, vous confirmez malheureusement votre erreur et l’opinion de beaucoup selon laquelle vous n’avez pas compris et que vous n'êtes pas aligné avec les valeurs proclamées par l’Europe. 

Si le #sexisme et la #misogynie peuvent encore exister aujourd’hui, c’est parce que les témoins restent silencieux ou parce qu’ils tirent profit de cette disqualification des femmes !

3. Erreur à l'encontre des Droits humains et particulièrement des droits des femmes

Vous tombez le 6 avril dans le piège que vous tend M. Erdoğan alors que, le 20 mars, le Président turc a annoncé que son pays se retirait de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre toutes les violences faites aux femmes et la violence domestique, l'indispensable Convention d'Istanbul ! 

En prenant ostensiblement le leadership en tant qu'homme sur une femme pourtant votre égale en titre politique, vous offrez un renforcement au dictateur sur l'écrasement qu'il veut imposer aux femmes et aux filles de la Turquie, quinze jours après la décision autoritaire qu'il a prise d'enfreindre l'égalité entre les genres, autorisant implicitement toutes les violences faites aux femmes et aux enfants en Turquie. Vous en rendez-vous compte ? 

Considérant ces trois erreurs graves, il est évident que de pâles excuses ne résoudront pas le vide politique que vous avez creusé pour l'Europe face à ses citoyen-ne-s ni face au monde dont la plupart des organes de presse ont répercuté l'incident en s'en moquant.
 

Nous sollicitons donc votre démission du poste de président du Conseil européen.
 

Dans l'attente de votre réponse et de votre action, nous vous prions de prendre en gré, Monsieur le Président du Conseil européen, nos salutations vigilantes,